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Lettre à mes chers élèves

 

Quand l’appel a sonné, je n’ai entendu qu’un mot, un seul, celui de « DEVOIR ».

Je suis parti sur le chemin sans savoir où j’allais.

Je n’ai pas voulu me retourner pour emmener avec moi mon passé et ne pas alisser voir ma souffrance.

Mais partir vers quel avenir ?

Et reviendrai-je ?

Mon coeur pleurait. Mon visage voulait garder un sourire pour que chaque pas me tienne, me donne la force pour avancer, encore.

Encore !

Mais vers quoi ?

Sachez, mes chers éléèves, que tout au long de ce chemin, vous m’avez accompagné. Ce sourire que je voulais mien était pour vous, pour chacune et chacun d’entre vous.

Vous m’avez tant appris au fil de nos rencontres. Mon sourire voulait avoir valeur de reconnaissance.

Laissez-moi me souvenir, encore un peu.

C’était moi l’instituteur et c’est vous qui m’avez entraîné sur le chemin du partage, de l’écoute, du respect.

En vous offrant une poésie, c’est la musique des mots qui nous a fait nous réunir.

En vous lisant une belle page d’écriture, il nous a fallu, ensemble, comprendre le sens des mots et amener l’écrivain, même inconnu, jusqu’à nous.

Et ce calcul, nombre après nombre, que nous a-t-il dit, sinon que chaque pas est une construction pour laquelle chaque petit élément a sa place et son utilité.

Mais surtout, nous avons appris à vivre ensemble, nous apporter ce que nous étions chacun tout en avançant vers ce que nous pourrions devenir, demain, plus tard, vous comme moi.

Je me souviens de cette sortie dans le bois juste à côté de notre école. Vous en souvenez-vous aussi ?

J’avais voulu vous montrer ce que Dame Nature savait faire de plus beau. Mais c’est vous qui m’avez fait découvrir tant de belles choses que j’ignorais. Les livres dans lesquels j’avais étudié n’avaient pas su tout m’apprendre. Un insecte jamais rencontré, un champignon à l’odeur exquise, une fleur impossible à cueillir tellement sa beauté rendait nos mains impuissantes !

La nature dans toute sa richesse.

Comment vous remercier sinon en gardant, coûte que coûte, le sourire, pas après pas, ces pas que j’ai voulu pour vous comme autant de découvertes, de richesses, celles de la vie ?

Vous souviendrez-vous ?

Je voudrais tant vous revoir.

Mais ces balles qui sifflent, ces canons qui grondent me font peur, grand peur.

Je crains ce virage de ma vie que j’aperçois, là, devant moi.

Quel horizon vais-je y trouver ?

Je rêve de paix, de calme, de quiétude.

Plus de canons, plus de fusils, plus de cris de douleurs mais un oiseau qui siffle, le vent qui se fait entendre dans le feuillage du grand peuplier juste à côté de notre école, la douceur d’un printemps retrouvé et la cloche de cette école qui retentit pour nous rassembler.

Mais j’ai peur.

Combien de temps m’est-il donné ?

Comment savoir ?

Reviendrai-je vers vous, mes chers élèves ?

Retrouverai-je notre si beau village ?

Je ne sais. Je ne peux savoir.

Mais ce que je sais, c’est que, où que j’aille, quel que soit désormais mon chemin, vous serez présents, présents à jamais.

 

Votre instituteur dévoué.

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